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La Russie et l’Union économique eurasiatique
Le politologue russe Alexandre Douguine disait dès 1998 que la Russie doit réaliser un grand espace autarcique en créant une union douanière eurasiatique englobant la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et le Kirghizstan. Il semble que sa vision est entrain de prendre forme.
Le rapprochement entre la Russie et la Biélorussie n’a pas attendu l’Union douanière pour s’amorcer. Dès décembre 1999, les deux pays ont signé un traité dans le but de former à terme un État unifié avec monnaie, parlement et président à l’aube de 2005. La raison de cet échec incomberait à Moscou qui a fait trainer les négociations, probablement à cause du coût élevé que couterait la modernisation de l’économie biélorusse qui peine encore aujourd’hui à instaurer une économie de marché. Pour Moscou, une union économique permet de jouir des avantages de l’intégration économique sans les coûts de l’intégration politique.
L’instauration de l’Union économique eurasiatique a plusieurs autres avantages pour Moscou. D’abord, il s’agit d’un moyen de soustraire les pays clés de l’ex-URSS, Ukraine, Biélorussie et Kazakhstan, des influences extérieures comme la Chine, les États-Unis ou l’Union européenne. Ensuite, l’Union permet de constituer un vaste marché intérieur suffisamment grand pour alimenter la demande industrielle de l’Union. Finalement, cette union permet d’être une plateforme d’échange privilégiée entre l’Europe et l’Asie. En outre, cela permettrait de redynamiser les échanges entre les membres de l’union qui était en baisse : alors que PIB des pays d’ex-URSS a chuté de plus de 50% entre 1991 et 1995, les échanges intra-CEI, quant à eux, ont chuté de plus de 80%.
Pour ce qui est de sa structure, la Commission économique eurasiatique est l’organe représentatif de l’union douanière. Elle est présidée par Viktor Khristenko, ancien premier ministre russe, et est formée de neuf commissaires et jouit d’une administration d’environ mille fonctionnaires.
La Russie, le poids lourd de l’Union
Le poids de la Russie au sein de l’Union économique eurasiatique ne se limite pas à l’appareil administratif de l’Union. L’influence russe est majeure, d’abord du point de vue de la démographie, la Russie comptait 143 millions d’habitants en 2013 contre 40 millions pour le Kazakhstan et d’un peu plus de 20 millions pour la Biélorussie. La prépondérance russe dans l’union est encore plus marquante du point de vue économie. Toujours en 2013, son PIB atteignait 2118 milliards de dollars américains tandis que celui du Kazakhstan n’atteignait que 220 milliards de dollars et celui de la Biélorussie 71 milliards. Moscou engendre 98,5% des flux commerciaux intrarégionaux de l’union.
De plus, les tarifs douaniers extérieurs communs de l’union douanière sont essentiellement dictés par la Russie. La Biélorussie et le Kazakhstan n’ont pu que négocier des exemptions. Celles-ci étaient d’environ 400 gammes de produits en 2010, 120 en 2012 et ne sont plus que 100 de nos jours. Aussi, les normes sanitaires et phytosanitaires sont essentiellement russes puisque Moscou ne reconnaît que ses propres normes.
Des premiers résultats mitigés
Le principal résultat de l’Union économique eurasiatique fut l’intensification des échanges entre la Russie et le Kazakhstan alors que l’évolution des échanges Russie-Biélorussie ou Biélorussie-Kazakhstan est restée dent de scie. En effet, les exportations russes annuelles en direction du Kazakhstan ont augmenté de 23,8% entre 2011 et 2013 passant de 14 099 à 17 460 millions de dollars tandis que les importants ont bondi de 36,9% durant la même période passant de 6 579 à 9011 millions de dollars.
Un autre impact de l’instauration de l’union douanière fut la réduction du temps de dédouanement entre les pays de l’union. Inversement, le temps de dédouanement a plus que doublé avec les pays non membres. Celui-ci est passé d’une moyenne de 8,6 à 21 heures. Il est à noter que ce phénomène ne touche seulement que les importations alors que le délai pour les exportations est resté inchangé.
Plusieurs observateurs ont décrit l’Union économique eurasiatique comme étant une tentative de Moscou de recréer son ancien "empire russe". Cependant, plusieurs rejettent cette hypothèse. Pour eux, cette union a comme but principal une modernisation économique des pays concernés. Ces mêmes auteurs considèrent l’influence que Moscou a sur les anciennes républiques soviétiques comparables à celle que les États-Unis ont sur le Canada ou le Mexique. Soit une influence plus axée sur l’économie que sur la politique.
Les sources sont disponibles dans l’article long.
Le Russie face à la globalisation.
Benoit Lapierre est politologue de formation et maître en administration publique (M.A.P.)